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La phagothérapie : quand les virus guérissent
À l’occasion du congrès des médecines douces, organisé
par l’APSAMED les 28 et 29 juin derniers à Marseille, l’IPSN
est allé à la découverte d’une science étonnante et pourtant très
ancienne, capable de détrôner les antibiotiques et de redonner espoir à
de nombreux malades, dont ceux touchés par Lyme ! Alain
Dublanchet, expert mondialement reconnu, nous introduit dans les
arcanes de ce fascinant sujet.
Des virus pour combattre des bactéries
Pratique pourtant ancienne, abandonnée par la science moderne,
l’utilisation des phages était une thérapie très efficace avant que
n’apparaissent les antibiotiques. Que sont-ils ?
Les phages sont des virus naturels capables de détruire les bactéries
(chaque virus a une action sur une bactérie spécifique). Découverts
tout d’abord par Frederick W. Twort à Londres en 1915,
observés de nouveau par Félix d’Hérelle en 1917 puis isolés par ce
dernier, ces virus « mangeurs » de bactéries révèlent
dès cette époque leurs premières applications thérapeutiques dans le
traitement d’infections diverses et connaissent leurs premiers succès
au tout début des années 1920.
La phagothérapie est l’utilisation de ces virus appelés aussi
bactériophages pour traiter des infections bactériennes. En effet, les
phages ont la particularité d’infecter les bactéries qu’ils ciblent de
façon spécifique, et même de les détruire sans endommager les cellules
humaines, animales ou végétales.
Alain Dublanchet, médecin biologiste français, spécialiste de la
phagothérapie, mène depuis une dizaine d’années ses recherches avec
différents instituts, notamment l’Institut Pasteur. Rencontré au cours
du congrès des médecines douces, nous redécouvrons grâce à lui ce que
la médecine a oublié : un remède fiable et sans danger.
Actuellement, la médecine recense environ 6000 phages, chacun
associé à une seule bactérie. Les phages sont donc un mode de thérapie
bien connu, mais en France, personne n’en parle !
Mais d’autres pays, comme la Russie ou la Géorgie où le
Dr Dublanchet a mené la majeure partie de ses recherches,
utilisent encore les phages. Là-bas, on les trouve même aussi
couramment en pharmacie que nos chers antibiotiques.
Antibiotiques : quand les soins tuent
Si les antibiotiques ont représenté jusqu’ici une solution inégalable
pour traiter toutes sortes d’infections plus ou moins graves, la
médecine actuelle se trouve confrontée à un problème
effrayant : les bactéries sont de plus en plus résistantes à
ces traitements, plongeant ainsi le corps médical dans une impasse
thérapeutique.
Comme nous l’explique Alain Dublanchet dans son livre « Des
virus pour combattre les infections », cette
résistance aux antibiotiques fut pourtant constatée dès la mise sur le
marché de la pénicilline. Par la suite, les échecs répétés de ces
thérapies n’ont pas été remis en question par la science moderne qui
s’est obstinée à rechercher de nouvelles molécules avec une confiance
aveugle en l’efficacité des antibiotiques. La machine infernale est
donc lancée, donnant naissance à de redoutables effets rebond
supplémentaires. L’ironie du sort veut que nous assistions peu à peu à
l’apparition d’infections à bactéries multirésistantes directement
liées aux soins ! Les fameuses infections
nosocomiales.
Il s’agit d’infections consécutives à des soins reçus en milieu
hospitalier, apparaissant généralement 48 heures après
l’admission du patient. Du fait de la vulnérabilité propre aux malades,
l’exposition à des bactéries résistantes représente un grand risque,
pouvant provoquer des infections difficiles, voire impossibles à
traiter. Depuis quelques années, elles représentent non seulement une
cause de plus en plus importante de décès, mais, surtout, la proportion
d’infections dues à des bactéries résistantes croît de façon
inquiétante.
Il devient donc urgent aujourd’hui de s’orienter vers d’autres moyens
thérapeutiques. Pour cela, la thérapie par l’utilisation des phages
représente un espoir solide dans le traitement des infections les plus
difficiles à combattre. Sans doute pourra-t-on envisager des
traitements couplés comprenant des antibiotiques à l’action globale et
des phages à l’action ciblée.
La science de demain vient du passé
À partir des années 1930, les phages ont sombré dans l’oubli
au profit des antibiotiques. Ainsi, cela faisait près de trente ans
qu’il n’existait plus aucune publication en France traitant de la
phagothérapie, ni même d’application thérapeutique.
En
Russie cependant, cette pratique a été conservée, si bien que les
phages sont utilisés jusque dans l’espace, pour soigner les
astronautes. Ce qui d’ailleurs intéresse de plus en plus les armées
françaises et américaines.
En effet, lorsqu’on tourne les yeux vers les pays de l’Est, on découvre
une avancée incroyable dans le traitement des infections les plus
graves, ainsi qu’une véritable recherche scientifique dédiée à cette
pratique délaissée des phages. C’est à Tbilissi, en Géorgie, que se
trouve le Phage Therapy Center qui propose
également un programme de traitement contre les infections réfractaires
aux thérapies classiques. Les témoignages de guérisons inespérées sont
aussi nombreux qu’étonnants ! Et les études menées sur des
patients dont l’état de santé était dramatique relate que ces
personnes, condamnées à une mort certaine, ont ainsi été traitées par
des phages, et toutes ont été sauvées par ces derniers.
L’avantage clé de la phagothérapie est qu’elle fonctionne sur des
souches bactériennes résistantes aux antibiotiques sans les rendre de
plus en plus récalcitrantes au fil du temps. Tout simplement car le
phage répond à un processus naturel permettant un équilibrage des
bactéries. En effet, à l’inverse des antibiotiques qui, à cause de leur
spectre trop général, ont la réputation de détruire la flore
intestinale (nos bactéries internes), les phages ont l’avantage de
cibler précisément une seule bactérie tout en évoluant, en s’adaptant
de façon coordonnée avec cette dernière, faisant face ainsi à ses
possibles résistances. De ce fait, les bactériophages constituent une
piste sérieuse dans la découverte de traitements fiables contre les
infections bactériennes résistantes aux antibiotiques.
Mais pour que ce traitement d’avenir soit effectif, il faudra l’accord
de nos autorités de santé. Or les phages étant des virus, ils n’entrent
pour l’instant pas dans le cadre de la législation européenne. Cela
promet malheureusement du retard, préjudiciable aux patients.
La
maladie de Lyme trouve un sérieux adversaire
Les phages sont remarquables dans le traitement d’une pathologie
difficile à soigner et pourtant de plus en plus répandue : la
maladie de Lyme.
La Borrelia responsable de cette maladie se soigne par antibiotiques,
mais les traitements sont lourds et ne l’éliminent pas toujours. De
plus, faisant partie des bactéries les plus rapides et les plus mobiles
que l’on connaisse, on la sait capable de se loger dans tous les tissus
du corps humain, se rendant comme invisible et, de ce fait,
inatteignable par les antibiotiques. En effet, pendant toute la durée
du traitement, elle peut se localiser sous forme de kyste spongieux,
attirant les globules blancs qui finissent par s’agglutiner et ainsi la
dissimuler. La bactérie s’en sort saine et sauve en laissant des
lésions créées par l’amas de globules blancs.
Et c’est là qu’entrent en scène nos fameux bactériophages. S’ils ne
peuvent pas véritablement tuer Borrelia, ils permettent en revanche de
grandement la fragiliser. En la délogeant, le phage aide à exposer la
bactérie à l’action des antibiotiques qui peuvent ensuite la détruire.
Cette application remarquable amorce l’avenir possible de l’utilisation
des phages : en association avec d’autres traitements, ils
garantissent de bien meilleures chances de guérison.
Pour aller plus loin
Ce sujet représente de nouvelles perspectives pour la prise en charge
des infections les plus résistantes, tout en apportant un réel espoir
tant pour les individus que pour le corps médical. Aussi, il ne serait
pas étonnant que la phagothérapie retrouve ses lettres de noblesse dans
les prochaines décennies, apportant des réponses là où il n’y a plus
aujourd’hui de solutions.
Si vous désirez approfondir la question, quelques pistes :
Livre :
- « Des virus pour combattre les
infections », du Dr Alain Dublanchet, paru aux
éditions Favre
Documentaires :
- « La guerre des
phages » 2005
- « Virus contre
bactérie » 2012
Associations :
Naturellement vôtre,
Augustin de Livois
PS : Le mercredi
24 septembre prochain, l’IPSN participera à la conférence
organisée par Au Sein Des Femmes Belgique : Un autre regard
sur la santé – Nutrition, sport et cancer : lorsque le bon
sens rencontre l’évidence.
La conférence sera présentée par le Pr Vincent Castronovo et
le Pr Marc Francaux le mercredi
24 septembre 2014 à 20h00 à l’UCL, auditoire
Socrate 11 Place Cardinal Mercier, Louvain-la-Neuve.
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