Lu sous
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Ramuncho Tellechea, agent ONF syndicaliste à Solidaires, craint depuis des années la privatisation des forêts. L’actuel projet pourrait porter un coup fatal à l’ONF selon lui. (Archives Marc Zirnheld)
Si on maintient cette taxe, on va vers l’éclatement de l’ONF (Office national des forêts) et une mauvaise gestion de nos forêts« . Le cri d’alarme vient de Milou Castan, président départemental des communes forestières. Il y a trois ans, le gouvernement a imposé une taxe forestière de 2 euros par hectare. Pour combler les déficits de l’ONF, le gouvernement envisage de faire passer cette taxe à 14 euros/ha, et les frais de garderie de 10 à 15 % des recettes du bois en montagne. »C’est un gros problème« poursuit Milou Castan. »Un hectare de forêt rapporte en moyenne 8 à 10 euros, et en montagne de 0 à 3 euros/ha. On va à la catastrophe" alerte le Souletin qui annonce que les représentants nationaux de l’association doivent être reçus ce jeudi par le ministre de l’Agriculture, Stéphane Le Foll.
« On privatise la forêt »
Pour Ramuncho Tellechea, agent de l’ONF à Oloron et syndicaliste à Solidaires, « On privatise peu à peu la forêt ». « On est poussé à produire plus au détriment de l’avenir de la forêt. Avec 25 % de la surface totale des forêts, l’ONF produit 40 % du bois. L’office vit sur les recettes du bois mais reçoit un montant compensateur de l’État de 135 millions qu’il souhaite voir pris en charge par les communes. Si la loi passe, l’ONF sera durablement déstabilisée. Les communes se tourneront vers le privé. L’État met en péril une structure qui voit les choses à 100 ou 150 ans, ce que ne feront pas des entreprises privées » rappelle l’agent qui se demande quelle forêt on laissera à nos enfants.
« Derrière les économies, il y a la fin du service public forestier en point de mire. On applique une gestion libérale de la forêt » accuse-t-il.
Cette inquiétude est partagée par le directeur général de l’ONF, Pascal Viné, qui voit un danger « pour la pérennité du régime forestier garant de la gestion durable de la forêt publique ».
« Une taxe irrecevable »
« Nous soutenons les agents de l’ONF car l’État abandonne ce merveilleux outil qui a permis de maintenir une si belle forêt » renchérit le maire de Laruns, Robert Casadebaig. Si la taxe passait, Laruns et ses 6 000 hectares de forêt devraient payer 84 000 euros de taxe plus les frais de garderie. Et de calculer. Sur 6 000 hectares, 1 500 sont exploités par piste ou par câble. La recette est de 47 400 euros moins 10 % (15 dans le projet de loi) de frais de garderie. Rien qu’avec la taxe à 2 euros, ce sont 25 % des recettes parties en taxe. Elle passerait à plus de 120 % avec la nouvelle loi.
« Cette taxe est irrecevable. Il ne restera plus qu’à faire appel au privé car on ne peut pas abandonner la gestion ne serait-ce que pour des raisons de sécurité » conclut le maire ossalois.
=> 197 communes concernées dans le 64
Dans le département, on a environ 80 000 hectares de bois sur 197 communes. L’ONF a pour mission la préservation de la biodiversité, la production de bois (110 000 m3 par an dans le 64) et une fonction sociale (accueil, chasse, tourisme…). 67 agents travaillent dans le département. Au niveau national on est passé de 15 000 à 9 000 agents entre les années 90 et aujourd’hui.
Pour de nombreuses communes, notamment en montagne, la forêt ne rapporte rien ou peu. Élisabeth Médard, maire d’Etsaut : « On a 600 ha qu’on n’exploite plus depuis 1992. Par contre on contribue à la réfection des sentiers et à la protection de l’ours ou du tétras. On paye déjà 2 098 euros d’entretien à l’ONF (année 2010) et on nous demande depuis 2012 la taxe forestière de 1 504 euros que nous avons refusé de payer ». Pour l’élue, le choix du gouvernement est clair : « Le but est de privatiser la forêt car on n’aura pas d’autre choix que de se tourner vers le privé. C’est terrible car la gestion de l’ONF était bonne. L’entretien d’une forêt coûte cher et rapporte peu alors qu’elle prend une place de plus en plus importante dans nos communes ». Constat partagé par la maire de Lanne-en-Barétous, Lydie Campello : Quand je vois qu’on ne peut même pas réparer les dégâts de la tempête Cynthia. On nous parle de filière bois et de reconversion énergétique et on casse tout" note-t-elle.