Sud Ouest. L’État voulait demander aux communes forestières 50 millions d’euros sur trois ans pour contribuer au budget de l’ONF (Office national des forêts). Avez-vous été rassuré par la marche arrière du ministre ?
Pierre Darmanté. Au plan national, la part du déficit de la filière bois dans la balance du commerce extérieur est de 6 milliards d’euros. C’est, comme dans beaucoup d’autres secteurs, essentiellement un problème de compétitivité de nos industries qui est en cause. Le gouvernement a décidé de relancer un énième plan pour la filière. Il concentre son action sur l’aval, mais il se contente d’oublier l’amont, il projette des mesures qui vont l’affaiblir. C’est particulièrement vrai en forêt publique, où il veut faire quelques dizaines de millions d’euros d’économies de bouts de chandelle en remettant en cause l’équilibre d’un établissement (l’ONF), qui gère 25% de la forêt française, mais qui organise la mise en marche de 40% de la production de bois. C’est particulièrement incohérent et insupportable, alors que dans un même temps il conforte les niches fiscales qui financent la forêt privée.
Quelles seraient les conséquences, à terme, de l’augmentation du prix du bois sur le marché ?
Le prix du bois est aujourd’hui à la hausse, mais comment mener une politique forestière à long terme uniquement assise sur les cours fluctuants de cette matière première ? La politique forestière ne peut reposer sur le cours du bois. La France donne 1 milliard d’euros pour le programme CO² de l’ONU en Amazonie, c’est très bien. Mais la forêt française stocke également du carbone et elle contribue de manière essentielle à la qualité des eaux. Pourquoi refuser de rémunérer ces fonctions ? Les prix des bois fluctuent : ils sont en hausse en Aquitaine, les industriels s’en plaignent, mais il y a quelques années ils étaient dérisoires…
Et le rôle des communes forestières et de la forêt publique en général, qui concerne moins de 10% de la surface ?
La forêt publique met régulièrement en vente des coupes et mène une politique de contractualisation pour permettre aux industriels qui le souhaitent de sécuriser une partie de leurs approvisionnements, ce qui lui est quelquefois reproché dans certains milieux. Elle continue à mener une sylviculture respectueuse des équilibres naturels, permettant d’alimenter durablement tous les pans du secteur industriel, protégeant en particulier la production des gros bois, indispensables à nos scieurs.
D’après vous, comment doit-on gérer la forêt aujourd’hui ?
Dans le contexte actuel, où beaucoup s’interrogent sur le rôle de l’État, il est clair que la gestion de la forêt va constituer un enjeu majeur pour notre société. La forêt est déjà exposée aux convoitises et aux spéculations. Elle perd tous les arbitrages face aux lobbies : agricole, industriel, immobilier, etc. La gestion de la forêt publique doit rester exemplaire et le régime forestier a montré depuis plus de deux siècles son efficacité face aux pressions des intérêts du court terme, pressions auxquelles les élus locaux ont quelquefois du mal à faire face.