Lu sous http://www.humanite.fr/
Un permis d’exploitation aurifère, accordé en plein parc national amazonien et à proximité d’un village, provoque la colère d’une population qui dénonce un flagrant déni de démocratie.
L es pépites de la crique Limonade font des bulles en Guyane, où le vent souffle contre le dernier-né des projets de chasse à l’or. La tempête est sérieuse. Des maires, des conseillers généraux, des parlementaires ou encore le président de région figurent au rang des frondeurs. Une page de soutien a été activée sur Facebook (1). Certains mots lâchés sont robustes. On dénonce l’irrespect des décisions locales et une carence absolue de concertation, avec, pour cible de toutes ces flèches, le ministère du Redressement productif.
Pourquoi tant de colère ? À cause d’un permis d’exploitation de mine d’or accordé le 26 ?octobre à la société Rexma par les services d’Arnaud Montebourg et dont la population locale n’a pris connaissance qu’après sa parution au Journal officiel, le 11 ?décembre. Baptisé permis Limonade, du nom de la crique qui l’abrite, il s’étend sur une surface de 10,1 km2, en plein parc national amazonien, et s’arrête à 3,5 ?km du village de Saül. C’est là le nœud du problème. Saül est, on ne peut dire mieux, un petit village : 158 habitants, 1 école, 1 dispensaire, 2 épiceries. Il est aussi une porte d’entrée privilégiée sur le parc et a fait de l’écotourisme un de ses moteurs économiques. « ?Un projet de sport nature est en préparation sur la crique et 260 000 ?euros ont été investis dans la rénovation de 20 ?km de sentier pédestre ? », note Thierry Louis, secrétaire de la mairie. Un développement local compromis, avance-t-il, par l’émergence d’une exploitation aurifère, d’autant qu’elle pourrait faire appel d’air : cinq ou six exploitants attendent en embuscade, assure la commune.
Furibardes, les organisations environnementales insistent : « ?Le parc abrite 260 espèces d’oiseaux, 160 vertébrés protégés ou déterminants, 127 variétés d’orchidées… ? » énumère Christian Roudgé, coordinateur de Guyane nature environnement, laquelle s’oppose catégoriquement au projet. Et dénonce, autant que les élus territoriaux, un flagrant déni de démocratie.
En 2008, Saül s’était clairement prononcé, via délibération, contre toute exploitation minière à moins de 10 kilomètres de ses portes. « ?Nous ne sommes pas contre l’orpaillage légal, reprend Thierry Louis. Tout le nord de notre territoire, grand comme quatre fois la Martinique, y est consacré. Mais pas aux portes du village.? »
Contesté depuis sa genèse, en 2004, le permis Limonade avait, en outre, été gelé en 2007, dans l’attente de l’élaboration d’un schéma départemental d’orientation minière (Sdom) qui ferait consensus. Finalisé en 2010 après deux ans de concertation, celui-ci est entré en vigueur en janvier 2012… et induit que la crique Limonade reste vierge de toute mine. Pourtant, « ?techniquement, l’attribution de ce permis n’a rien d’illégale ? », admet Chantal Berthelot, députée de Guyane (PS). Car le Sdom « ?stipule que les projets antérieurs restent valables ? ». Politiquement, en revanche, Arnaud Montebourg fait une erreur, assène la parlementaire, qui, en décembre, lui adressait un courrier. « ?Il aurait dû entendre l’équilibre de développement choisi par la population.? »
Sollicités par l’Humanité, les services du ministère du Redressement productif n’ont pas donné suite. A priori, ils minimiseraient leur responsabilité. Le permis, avancent-ils, a été accordé le 2 ?mai, par l’ancien gouvernement. Une erreur d’écriture aurait empêché sa publication immédiate au JO. Ils n’auraient fait que la régulariser. Un argument que les Guyanais n’encaissent pas. « ?Que l’administration centrale ait suivi une procédure technique, d’accord, note Chantal Berthelot. Le ministre, lui, aurait dû reposer les questions politiques.? »
(1) À bon entendeur Saül.