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Le rôle de Woerth se précise
1 WOERTH CHOISIT L’ESTIMATION LA PLUS BASSE.
Combien de fois l’a-t-il répété ? « Dans toute cette affaire, il n’y a juste rien ! » Un an tout rond après le déclenchement de la tempête, l’enquête sur la vente de l’hippodrome de Compiègne semble pourtant comporter des chausse-trappes qui pourraient compliquer la défense d’Éric Woerth. Ainsi, l’ex-ministre n’avait pas connaissance d’une estimation du prix, mais de trois. France Domaine avait évalué l’hippodrome à 2,5 millions. Mais la commission chargée du suivi des opérations immobilières de l’État en donnait entre 11,4 et 19,9 millions. Tandis que l’ONF (l’Office national des forêts) plaçait le curseur à 25 millions. « Le ministre était en possession de ces éléments, il a décidé seul de procéder à la cession pour la valeur domaniale », a expliqué le directeur de France Domaine devant la commission d’instruction de la Cour de justice de la République, selon nos indiscrétions.
2 COMMENT FRANCE DOMAINE A CRAVACHÉ.
L’enquête a encore fait un bond sur la manière dont le fonctionnaire de la direction de France Domaine dans l’Oise - « une administration irréprochable », selon Éric Woerth - a pu en arriver à ce prix de 2,5 millions. Il suffisait de gommer les somptueux bâtiments anglo-normands qui font tout le charme et la richesse de l’hippodrome, et de ramener le nombre de courses par saison de 20 à 8… Cravachant toujours plus fort, cet agent à l’œil expert a encore réduit d’un coup de plume quelque 60 000 € de son estimation, pour pouvoir présenter un chiffre rond. Tout ça en quatre jours, sans s’être déplacé une seule fois.
3 SAUTS D’OBSTACLES.
Parmi leurs nombreuses trouvailles, les enquêteurs sont aussi tombés sur ce mail du responsable de la mission interministérielle de valorisation du patrimoine immobilier de l’État à l’une de ses collaboratrices le 9 décembre 2009 : « Il faudrait que la trésorerie générale de l’Oise ne se pose pas de questions superflues »… Comme savoir si France Domaine a pris en compte pour son estimation une disposition du plan local d’urbanisme qui prévoit que les zones construites pourront être agrandies de 15% ? « Le problème de l’Oise revêt une acuité particulière », expliquait en tout cas ce même responsable de la vente des biens de l’État dans une note au directeur de France-Domaine.
4 MARINI À LA BAGUETTE ?
Le sénateur-maire de Compiègne, Philippe Marini, a-t-il fait des pieds et des mains ? On peut se le demander. Le 26 novembre 2009, le directeur de cabinet de l’ex-ministre du Budget prévient par écrit le ministère de l’Agriculture qu’une remise en cause de la vente en faveur d’Antoine Gilibert, président de la société des courses de Compiègne, « provoquerait une forte réaction du sénateur-maire qui soutient le projet. » Réponse de l’intéressé : « Dans les ministères, on connaît le caractère de Marini qui n’aime pas que les affaires tournent en rond. Mais je ne suis jamais intervenu pour peser sur la décision. Absolument jamais. » Pourquoi alors ce mail ? « Simple supposition de son auteur », affirme Marini.
5 MARINI-GILIBERT, UN ATTELAGE INDÉFECTIBLE.
S’il est un point sur lequel Philippe Marini a bien pesé, c’est celui de la désignation des grands électeurs « supplémentaires » (des non-élus) appelés à voter pour lui aux sénatoriales. Le 17 juin, sa majorité municipale a désigné Antoine Gilibert, ainsi que Jean Kerfourn, administrateur de la société des courses, et Monique Marini, sa femme. « Gilibert avait déjà été nommé en 1992 et en 2001 », se défend Philippe Marini.