L’évaluation des salariés recadrée par le juge

Jeudi 6 octobre 2011

Lu sous http://www.humanite.fr

Par Tiennot Grumbach, avocat.

« Les idées ne tombent pas du ciel…  » Elles font sens quand leur confrontation oppose les deux vastes camps ? : celui du travail et celui du capital. Nous prenons connaissance en même temps du rapport du Centre d’analyse stratégique (CAS) sur ?les entretiens individuels d’évaluation (1) et du contenu de l’arrêt récent de la cour d’appel de Toulouse (2).Que révèle le rapport du CAS ?? Désormais, les entretiens individuels d’évaluation touchent plus des trois quarts des entreprises du secteur privé. Les DRH en font l’instrument privilégié ?de « ?pilotage ? » de la gestion des carrières et des rémunérations. Si la note souligne que le moment de l’évaluation permet un dialogue positif avec la hiérarchie, elle confirme aussi que l’évaluation génère ?du stress. Les dégâts collatéraux de ?la méthode s’accroissent lorsque le mode d’organisation de l’entreprise suscite ?la concurrence entre salariés et quand, aux critères professionnels d’évaluation, s’agrègent des critères subjectifs ?qui permettent la partialité de l’évaluation et génèrent le mal-être au travail.

Les syndicats CGT d’Airbus Industrie ont fait appel d’une décision du TGI ?de Toulouse. Elle avait débouté la demande de la CGT de voir suspendue l’évaluation des salariés mise en œuvre par application d’un outil de gestion dénommé « P & D ». La CGT contestait le défaut d’objectivité de ce procédé en raison de l’introduction de critères comportementaux dans le système, notamment ? : agir avec courage, ?être transparent, adhésion aux valeurs ?et comportements dits « ?The Airbusway ? »…

La cour relève, en infirmant la décision des premiers juges, que « ?l’évaluation du comportement constitue une part importante de l’évaluation globale… ? » ?et souligne « ?qu’en imposant ?aux cadres qui n’auraient pas pris ?des décisions justes et courageuses dans l’intérêt d’Airbus et d’assumer la pleine responsabilité de leurs conséquences ? », l’employeur « ?laisse entendre que l’évaluation pourrait avoir une finalité disciplinaire étrangère à la finalité ?de l’évaluation qui est l’appréciation ?des aptitudes professionnelles ? »… ?Que, « ?sans entrer dans le détail de chacun des comportements des valeurs de l’entreprise, la connotation morale rejaillit sur la sphère personnelle et nécessite une appréciation trop subjective ?de la part de l’évaluateur ? ». La cour d’appel en déduit que la procédure d’évaluation contestée doit être suspendue.

Déjà, dans le passé, une action intersyndicale avait été menée sur ?le plan pénal à l’encontre du dirigeant  ?d’un grand groupe qui avait tenté d’introduire dans la grille d’évaluation des salariés leur « ?engagement dans les valeurs de l’entreprise ? ». L’absence de consultation des institutions représentatives du personnel sur ce critère subjectif avait valu à ce « ?grand patron ? » une condamnation par la chambre criminelle de la Cour de cassation. Comme les mauvaises herbes, les mauvaises idées se propagent de façon souterraine. Les syndicalistes comme les jardiniers doivent sans cesse les combattre.

Pour en savoir plus :

Jugement de la CA de Toulouse.

Rapport officiel sur les entretiens individuels http://www.strategie.gouv.fr/content/entretiens-devaluation-et-bien-etre-au-travail-note-danalyse-239-septembre-2011

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