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Par Tiennot Grumbach, avocat.
« Les idées ne tombent pas du ciel…
» Elles font sens quand leur confrontation oppose les deux
vastes camps ? : celui du travail et celui du capital. Nous prenons
connaissance en même temps du rapport du Centre
d’analyse stratégique (CAS) sur ?les entretiens
individuels d’évaluation (1) et du contenu de
l’arrêt récent de la cour
d’appel de Toulouse (2).Que révèle le
rapport du CAS ?? Désormais, les entretiens individuels
d’évaluation touchent plus des trois quarts des
entreprises du secteur privé. Les DRH en font
l’instrument privilégié ?de
« ?pilotage ? » de la gestion des carrières
et des rémunérations. Si la note souligne que le
moment de l’évaluation permet un dialogue positif
avec la hiérarchie, elle confirme aussi que
l’évaluation génère ?du
stress. Les dégâts collatéraux de ?la
méthode s’accroissent lorsque le mode
d’organisation de l’entreprise suscite ?la
concurrence entre salariés et quand, aux critères
professionnels d’évaluation,
s’agrègent des critères subjectifs ?qui
permettent la partialité de
l’évaluation et génèrent le
mal-être au travail.
Les syndicats CGT d’Airbus Industrie ont fait appel
d’une décision du TGI ?de Toulouse. Elle avait
débouté la demande de la CGT de voir suspendue
l’évaluation des salariés mise en
œuvre par application d’un outil de gestion
dénommé « P & D ». La
CGT contestait le défaut d’objectivité
de ce procédé en raison de
l’introduction de critères comportementaux dans le
système, notamment ? : agir avec courage, ?être
transparent, adhésion aux valeurs ?et comportements dits
« ?The Airbusway ? »…
La cour relève, en infirmant la décision des
premiers juges, que « ?l’évaluation du
comportement constitue une part importante de
l’évaluation globale… ? » ?et
souligne « ?qu’en imposant ?aux cadres qui
n’auraient pas pris ?des décisions justes et
courageuses dans l’intérêt
d’Airbus et d’assumer la pleine
responsabilité de leurs conséquences ? »,
l’employeur « ?laisse entendre que
l’évaluation pourrait avoir une
finalité disciplinaire étrangère
à la finalité ?de
l’évaluation qui est
l’appréciation ?des aptitudes
professionnelles ? »… ?Que, « ?sans entrer
dans le détail de chacun des comportements des valeurs de
l’entreprise, la connotation morale rejaillit sur la
sphère personnelle et nécessite une
appréciation trop subjective ?de la part de
l’évaluateur ? ». La cour
d’appel en déduit que la procédure
d’évaluation contestée doit
être suspendue.
Déjà, dans le passé, une action
intersyndicale avait été menée sur ?le
plan pénal à l’encontre du dirigeant
?d’un grand groupe qui avait tenté
d’introduire dans la grille d’évaluation
des salariés leur « ?engagement dans les valeurs de
l’entreprise ? ». L’absence de consultation
des institutions représentatives du personnel sur ce
critère subjectif avait valu à ce
« ?grand patron ? » une condamnation par la chambre
criminelle de la Cour de cassation. Comme les mauvaises herbes, les
mauvaises idées se propagent de façon
souterraine. Les syndicalistes comme les jardiniers doivent sans cesse
les combattre.
Pour en savoir plus :
Jugement de la CA de Toulouse.
Rapport officiel sur les entretiens individuels http://www.strategie.gouv.fr/content/entretiens-devaluation-et-bien-etre-au-travail-note-danalyse-239-septembre-2011