PICARDIE Le blues des gardiens de forêt

Jeudi 15 septembre 2011

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<img src="IMG/jpg/Le-blues-des-gardiens-de-foret_reference.jpg" style="border: 0px none ;" alt="Bruno Rubagotti, délégué du Snupfen : «La charge de travail par agent a quasiment doublé, mais on ne sait plus qui fait quoi»." title="Bruno Rubagotti, délégué du Snupfen : «La charge de travail par agent a quasiment doublé, mais on ne sait plus qui fait quoi»." height="194" width="300">

Bruno Rubagotti, délégué du Snupfen : « La charge de travail par agent a quasiment doublé, mais on ne sait plus qui fait quoi ».

Les réorganisations et les suppressions de postes sont venues à bout du moral des agents de l’Office national des forêts (ONF). La contestation syndicale sort du bois…

C’est l’une de ces maisons pittoresques de l’Agence nationale des forêts (ONF) qui forment un îlot de clarté au milieu des bois. Murs en pierre et volets blancs, celle-ci avait été construite avec soin pour loger les ingénieurs du service, en plein massif forestier d’Ermenonville, entre Fontaine-Chaalis et Mortefontaine (Oise).

« Mais les femmes n’ont jamais voulu venir. La peur de l’isolement… », raconte Bruno Rubagotti, l’actuel occupant de la maison forestière de la Maison Blanche. Ah ! la solitude de l’homme des bois, avec pour seuls compagnons des sangliers bourrus. Une vision fantasmée…

Aujourd’hui, entre la Maison Blanche et Senlis, il ne faut pas plus de dix minutes de voiture. « L’autoroute A1 est toute proche  », rappelle aussi le garde-forestier, qui s’étonne que l’on puisse encore croire à la solitude des agents de l’ONF. « En forêt, on croise une foule de gens : promeneurs, ramasseurs de champignons, cyclistes… Et puis, bien sûr, il y a le téléphone, l’internet (à haut débit !), la télévision. Et les collègues avec qui on travaille régulièrement, en équipe ou en binôme, même si on est de moins en nombreux.  »

Les propos de la ministre ont choqué

Comme nombre d’agents portant la tenue verte du service de surveillance et d’entretien des forêts, Bruno Rubagotti en veut beaucoup à Nathalie Kosciusko-Morizet.

Cet été, la ministre de tutelle de l’ONF a estimé que les agents patrimoniaux (ex-garde-forestiers) travaillaient dans « des conditions particulières » et c’est « une forme de solitude » qui expliquerait les suicides marquant la profession. Pour Bruno Rubagotti, s’il faut chercher une forme d’isolement quelque part, « c’est dans les restructurations à répétition qu’on la trouvera. Le sentiment d’être un pion n’a jamais été aussi grand. »

À 35 ans, regard bleu clair, peau burinée, Bruno Rubagotti incarne bien la jeune génération en première ligne du mouvement des forestiers. Délégué du Snupfen, syndicat majoritaire, il fait partie de ceux à qui on ne fait plus avaler de couleuvres.

« Le malaise de la profession, c’est d’abord la réduction des effectifs. Avant, il y avait dix personnes pour s’occuper d’une forêt comme celle-là… », explique-t-il, levant les yeux vers la cime de grands pins sylvestres où le jour commence à décliner. « Aujourd’hui, on n’est plus que trois, avec une charge de travail qui a quasiment doublé… Parfois, il faut en plus assurer l’intérim d’un collègue. Inévitablement, on connaît moins bien notre forêt, des erreurs sont faites… »

« Depuis 1985, poursuit Bruno Rubagotti, 40% des postes ont été supprimés. Dans ce sens-là, oui, il y a un isolement physique qui s’est créé. Le cloisonnement des services, le découpage de l’activité en tranches, a précipité les choses. » « Autrefois, reprend le jeune homme, j’aurai dépendu de la division de Chantilly, cinquante agents, administratifs, ingénieurs, techniciens, qui travaillaient main dans la main. Maintenant, il y a une direction régionale à Compiègne, une direction territoriale à Fontainebleau, une agence travaux encore ailleurs qui fait appel à des entreprises extérieures. Et des codes informatiques pour chaque tâche, comme s’il fallait mettre la forêt dans des cases.  »

Le délégué syndical tourne les pages d’un annuaire interne posé sur son bureau. «  Les collègues ont complètement perdu la polyvalence qui faisait la force et l’intérêt du métier, mais quand ils ont besoin de trouver un responsable local, ils ne savent jamais où… La première chose qu’un agent de l’ONF demande à un autre au téléphone : Est-ce que c’est bien qui vous occupez de ça  ? Usant et contre productif ! »

PASCAL MUREAU

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