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Le conseil d’administration de l’Office national des forêts devait entériner hier la suppression de 700 emplois sur la période 2012-2016. Les syndicats dénoncent pourtant un « profond malaise social » chez les forestiers.
Catastrophe programmée, la saignée dans les effectifs de l’Office national des forêts (ONF) va continuer. Hier, le conseil d’administration de l’établissement public, qui gère depuis 1966 les forêts domaniales et communales, a adopté le contrat d’objectifs 2012-2016 avec, au menu, la suppression de 700 emplois. L’ONF, qui employait 15 000 personnes en 1986, 12 000 en 2002, a chuté à 9 500 aujourd’hui, dont 6 300 fonctionnaires et 3 200 ouvriers de statut privé. RGPP oblige, l’essentiel de la réduction d’effectifs (563) portera sur des postes de fonctionnaires.
Un « moratoire sur les diminutions d’effectifs »
Pourtant, mardi 12 ?juillet, les syndicats avaient tiré la sonnette d’alarme et demandé, lors d’un comité central d’hygiène et sécurité (CCHS), un « ?moratoire immédiat sur les diminutions d’effectifs ? », pour mettre fin au « ?profond malaise ? » touchant les personnels de l’ONF. La veille, un agent, en poste à Luxeuil-les-Bains en Haute-Saône, s’était suicidé à son domicile, ce qui portait à trois le nombre de suicides d’agents en un mois, et ?à 23 depuis 2005. En janvier, pour la première fois à l’ONF, un suicide survenu en décembre 2009 a été reconnu comme imputable au service.
Le malaise n’est pas récent. Michel Bénard, de la CGT ?forêt, remonte à 2002, année où la réorganisation de l’ONF a « ?bouleversé la façon de travailler ? », en imposant « ?la spécialisation des tâches, le management par objectifs, qui ont provoqué beaucoup de dégâts ? ». Dès 2004, le CCHS s’en était inquiété et avait obtenu une enquête, qui avait révélé « ?un profond malaise social, le repli sur soi de beaucoup d’agents ? », explique Michel Bénard. « ?Mais la direction n’a pris aucune mesure, n’a pas considéré qu’il s’agissait d’une alerte. Il a fallu attendre les suicides de 2009-2010 pour que la direction prenne en compte le problème.? »
Au CCHS du 12 ?juillet, le directeur général a présenté un « ?plan renforcé sur les risques psychosociaux ? » et lancé un audit sur les conditions de travail, auquel les organisations syndicales ont été associées, mais qui rendra son travail à la fin de l’année seulement. Le plan prévoit le doublement du nombre d’assistantes sociales (11 actuellement) et la création de cellules territoriales d’écoute. « ?Il dit aussi qu’il faut un management plus proche des agents. C’est une chose qui devrait être naturelle, mais qui va être très dure à mettre en pratique, puisqu’on demande en même temps aux managers de faire respecter des objectifs de production toujours plus élevés ? », souligne Philippe Berger du Snupfen, premier syndicat de l’ONF. « ?Ce plan, c’est du palliatif. Il n’agit pas sur les causes, l’organisation et la charge de travail. Maintenant nos dirigeants sont d’accord sur le constat du malaise, mais il n’y aura pas de solution s’ils ne remettent pas en cause les réductions d’effectifs et le management par objectifs.? »
Les missions délaisssées du service public
Pour ce syndicaliste, les agents sont frappés par la « ?perte du métier ? », alors que l’ONF, pour des raisons de rentabilité, délaisse les missions de service public que sont la protection des milieux naturels et l’accueil du public, pour se concentrer sur la production etde la vente de bois (voir ci-contre). « ?Les forestiers sont entrés à l’ONF par passion de la forêt. La perte des valeurs d’origine est très traumatisante.? » De leur côté, les ouvriers privés, bûcherons ou chargés des travaux de plantation, subissent l’augmentation des rendements, alors que leur métier est déjà très pénible. Selon le Snupfen, 400 sur 3 200 ont une inaptitude physique.
Un SOS pour les forêts. En février, s’est constitué en Lorraine le collectif SOS forêt, composé d’associations de protection de la nature, de syndicats de l’ONF et de partis politiques (PS, EELV, Cap 21, Front de gauche), pour s’opposer à la politique productiviste impulsée par le gouvernement depuis 2009, avec l’objectif d’augmenter de 40 ?% d’ici à 2020 le volume de bois coupé en forêt. Pour SOS forêt, ce projet à visée « ?uniquement financière ? » remet en cause le patrimoine « ?riche et fragile ? » que constitue la forêt française. Le collectif dénonce aussi « ?la réduction drastique du nombre de gardes forestiers dans le cadre de la RGPP ? » et réclame des moyens humains et financiers pour un service public de la forêt.