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Porté par deux interprofessions nationales, le « Projet Forêt-Bois pour la France » propose des pistes d’actions pour développer à la fois la ressource et l’utilisation du bois dans la construction. Un plan qui s’appuierait sur les revenus générés par les quotas sur les émissions de CO2.
Un vaste plan de mobilisation de la filière bois pour
rattraper, d’ici 2020, une partie du retard
français en matière d’exploitation de
la ressource forestière : tel est, en substance,
l’objectif du « Projet Forêt-Bois pour la
France » présenté mardi 10 juillet par
deux organisations interprofessionnelles de la filière,
France Bois Forêt (FBF) et France Bois Industries Entreprises
(FBIE).
Le constat est connu : malgré l’un des plus grands
massifs forestiers d’Europe (16 millions
d’hectares), la France enregistre sur la filière
un déficit commercial énorme : 6,3 milliards
d’euros en 2010. L’éclatement de la
ressource – près de quatre millions de
propriétaires – et l’exportation massive
de grumes non transformées ont fait ces dernières
années l’objet de nombreux rapports et prises de
position parfois alarmistes.
Le « Projet Forêt-Bois » est une
façon pour FBF et FBIE de répondre aux
accusations d’immobilisme qui ont souvent visé la
filière, tout en engageant les pouvoirs publics dans la
démarche. « Nous voulons qu’il y ait une
véritable prise de conscience : la France n’a pas
la politique bois-forêt qu’elle mérite
», a résumé Laurent Denormandie, tout
nouveau président de FBF. Deux axes de travail se
dégagent du document : la pérennisation de la
forêt et la valorisation de la ressource bois,
particulièrement dans la construction.
Adapter les essences au changement climatique
Sur la pérennisation de la ressource, le « Projet
Forêt-Bois » identifie deux grands champs
d’actions : planter plus massivement et améliorer
le rendement des peuplements existants. Le plus grand chantier concerne
les plants. En vingt ans, leur nombre est passé de 115
millions à 40 millions par an, quand un pays comme
l’Allemagne en réalise 300 millions par an. Mais
le nombre ne suffit pas, il faut aussi savoir anticiper
l’évolution des essences. « A cause du
changement climatique, on ne sait pas, fondamentalement, quelle sera la
forêt de demain », a reconnu Henri Plauche-Gillon,
président de la Fédération des
forestiers privés de France. Certaines espèces
sont plus vulnérables (hêtre, chêne
pédonculé, sapin pectiné, pin
sylvestre et épicéa commun) et n’auront
pas le temps d’opérer une migration naturelle,
souligne le projet.
Quelles que soient les espèces choisies, le coût
du renouvellement oscille entre 2000 et 5000 euros par hectare
– un effort que seul un tiers des propriétaires
réalise. La proposition du « Projet
Forêt-Bois » est un financement public compris
entre 30 et 50% du coût total, selon les essences et les
situations géographiques. Le coût pour les
finances publiques se chiffrerait très vite en centaines de
millions d’euros (voir ci-dessous). Sur
l’amélioration des rendements, le projet propose
d’inciter les propriétaires forestiers
à passer « d’une logique patrimoniale
à une logique de sylviculture ». La simplification
des procédures administratives et le
développement des équipements de dessertes, entre
autres, pourraient permettre de faire progresser les taux de
prélèvement de 59% à l’heure
actuelle à 73% d’ici 2020.
Des fonds pour développer le bois construction
La valorisation de la ressource constitue le second pilier du
« Projet Forêt-Bois ». Classiquement, la
construction est vue comme le premier débouché
d’une filière industrielle à
réorganiser. A commencer par la maison individuelle,
où la filière vise une PdM de 14% contre un peu
plus de 10% aujourd’hui, notamment via la proposition de
création d’un label « bâtiment
bio sourcé ». « Nous devons faire des
efforts en termes de marketing pour mieux vendre nos solutions
», a reconnu Luc Charmasson, président de FBIE.
Le projet demande aussi le doublement de la part obligatoire de bois
dans les bâtiments non résidentiels.
Côté financements, FBF et FBIE demandent un
accès simplifié à plusieurs structures
publiques déjà existantes comme le Fonds
stratégique Bois créé en 2009, le
Fonds stratégique d’investissements ou encore OSEO
et Ubifrance pour l’export.
Ce soutien permettrait à la filière bois de se
doter « d’entreprises de taille
compétitive par rapport aux autres secteurs du
béton et du métal », et, in fine, de
développer l’emploi avec la promesse de 25 000
créations de postes, sur les 440 000
déjà existants. A titre de comparaisons,
l’Allemagne emploie 880 000 personnes dans la
filière bois, malgré une surface
forestière inférieure d’un tiers (11
millions d’hectares).
Objectif : récupérer 25% des montants
engendrés par les quotas carbone
Pour faire vivre ces engagements, les deux interprofessions
évaluent le besoin de financement à 250
M€ en 2014, avec une croissance annuelle des budgets qui
atteindraient près de 600 M€ à
l’expiration du plan en 2020. Le renouvellement de la
ressource serait de loin le premier poste de dépense, avec
140 M€ d’engagements en 2014 et
jusqu’à 467 M€ en 2020. Les autres
budgets seraient stables sur la période : 57 M€
pour l’exploitation forestière, 16 M€
pour le développement de la recherche et 26,5 M€
pour la valorisation de la ressource. De lourds investissements pour
lesquels la filière revendique un effort soutenu de
l’Etat.
La principale demande est la création d’un Fonds
forestier stratégique carbone (FFSC) auquel serait
affecté 25% des montants annuels issus de la mise aux
enchères, à compter de 2013, des quotas carbone
des entreprises françaises concernées. Soit une
enveloppe de quelque 150 M€ pour abonder le « Projet
Forêt-Bois ». Les discussions sont
déjà engagées avec l’Etat
mais la filière fait face, sur ce dossier, à
« une concurrence certaine » de la part
d’autres acteurs économiques, ont reconnu les
responsables FBF et FBIE.
A l’appui de leur cause, les promoteurs du « Projet
Forêt-Bois » comptent bien mettre en avant
l’atout environnemental : « L’impact du
secteur sur le bilan carbone de la France est tel qu’il
compense déjà aujourd’hui 22% des
émissions nationales. Il pourrait atteindre 30%
d’ici 2020 grâce au présent projet
», souligne le document. Les déclarations de
François Hollande durant la campagne électorale
et, plus récemment, du ministre de l’Agriculture
et de la Forêt Stéphane Le Foll, incitent les
responsables de France Bois Forêt et de France Bois
Industries Entreprises à un optimisme prudent.