La filière bois jette les bases d’une vraie politique forestière

Dimanche 29 juillet 2012

Lu sous http://www.lemoniteur.fr

Porté par deux interprofessions nationales, le «  Projet Forêt-Bois pour la France » propose des pistes d’actions pour développer à la fois la ressource et l’utilisation du bois dans la construction. Un plan qui s’appuierait sur les revenus générés par les quotas sur les émissions de CO2.

Un vaste plan de mobilisation de la filière bois pour rattraper, d’ici 2020, une partie du retard français en matière d’exploitation de la ressource forestière : tel est, en substance, l’objectif du « Projet Forêt-Bois pour la France » présenté mardi 10 juillet par deux organisations interprofessionnelles de la filière, France Bois Forêt (FBF) et France Bois Industries Entreprises (FBIE).

Le constat est connu : malgré l’un des plus grands massifs forestiers d’Europe (16 millions d’hectares), la France enregistre sur la filière un déficit commercial énorme : 6,3 milliards d’euros en 2010. L’éclatement de la ressource – près de quatre millions de propriétaires – et l’exportation massive de grumes non transformées ont fait ces dernières années l’objet de nombreux rapports et prises de position parfois alarmistes.

Le « Projet Forêt-Bois » est une façon pour FBF et FBIE de répondre aux accusations d’immobilisme qui ont souvent visé la filière, tout en engageant les pouvoirs publics dans la démarche. « Nous voulons qu’il y ait une véritable prise de conscience : la France n’a pas la politique bois-forêt qu’elle mérite  », a résumé Laurent Denormandie, tout nouveau président de FBF. Deux axes de travail se dégagent du document : la pérennisation de la forêt et la valorisation de la ressource bois, particulièrement dans la construction.

Adapter les essences au changement climatique

Sur la pérennisation de la ressource, le « Projet Forêt-Bois » identifie deux grands champs d’actions : planter plus massivement et améliorer le rendement des peuplements existants. Le plus grand chantier concerne les plants. En vingt ans, leur nombre est passé de 115 millions à 40 millions par an, quand un pays comme l’Allemagne en réalise 300 millions par an. Mais le nombre ne suffit pas, il faut aussi savoir anticiper l’évolution des essences. « A cause du changement climatique, on ne sait pas, fondamentalement, quelle sera la forêt de demain », a reconnu Henri Plauche-Gillon, président de la Fédération des forestiers privés de France. Certaines espèces sont plus vulnérables (hêtre, chêne pédonculé, sapin pectiné, pin sylvestre et épicéa commun) et n’auront pas le temps d’opérer une migration naturelle, souligne le projet.

Quelles que soient les espèces choisies, le coût du renouvellement oscille entre 2000 et 5000 euros par hectare – un effort que seul un tiers des propriétaires réalise. La proposition du « Projet Forêt-Bois » est un financement public compris entre 30 et 50% du coût total, selon les essences et les situations géographiques. Le coût pour les finances publiques se chiffrerait très vite en centaines de millions d’euros (voir ci-dessous). Sur l’amélioration des rendements, le projet propose d’inciter les propriétaires forestiers à passer « d’une logique patrimoniale à une logique de sylviculture ». La simplification des procédures administratives et le développement des équipements de dessertes, entre autres, pourraient permettre de faire progresser les taux de prélèvement de 59% à l’heure actuelle à 73% d’ici 2020.

Des fonds pour développer le bois construction

La valorisation de la ressource constitue le second pilier du « Projet Forêt-Bois ». Classiquement, la construction est vue comme le premier débouché d’une filière industrielle à réorganiser. A commencer par la maison individuelle, où la filière vise une PdM de 14% contre un peu plus de 10% aujourd’hui, notamment via la proposition de création d’un label « bâtiment bio sourcé ». « Nous devons faire des efforts en termes de marketing pour mieux vendre nos solutions  », a reconnu Luc Charmasson, président de FBIE.

Le projet demande aussi le doublement de la part obligatoire de bois dans les bâtiments non résidentiels. Côté financements, FBF et FBIE demandent un accès simplifié à plusieurs structures publiques déjà existantes comme le Fonds stratégique Bois créé en 2009, le Fonds stratégique d’investissements ou encore OSEO et Ubifrance pour l’export.

Ce soutien permettrait à la filière bois de se doter « d’entreprises de taille compétitive par rapport aux autres secteurs du béton et du métal », et, in fine, de développer l’emploi avec la promesse de 25 000 créations de postes, sur les 440 000 déjà existants. A titre de comparaisons, l’Allemagne emploie 880 000 personnes dans la filière bois, malgré une surface forestière inférieure d’un tiers (11 millions d’hectares).

Objectif : récupérer 25% des montants engendrés par les quotas carbone

Pour faire vivre ces engagements, les deux interprofessions évaluent le besoin de financement à 250 M€ en 2014, avec une croissance annuelle des budgets qui atteindraient près de 600 M€ à l’expiration du plan en 2020. Le renouvellement de la ressource serait de loin le premier poste de dépense, avec 140 M€ d’engagements en 2014 et jusqu’à 467 M€ en 2020. Les autres budgets seraient stables sur la période : 57 M€ pour l’exploitation forestière, 16 M€ pour le développement de la recherche et 26,5 M€ pour la valorisation de la ressource. De lourds investissements pour lesquels la filière revendique un effort soutenu de l’Etat.

La principale demande est la création d’un Fonds forestier stratégique carbone (FFSC) auquel serait affecté 25% des montants annuels issus de la mise aux enchères, à compter de 2013, des quotas carbone des entreprises françaises concernées. Soit une enveloppe de quelque 150 M€ pour abonder le « Projet Forêt-Bois ». Les discussions sont déjà engagées avec l’Etat mais la filière fait face, sur ce dossier, à « une concurrence certaine » de la part d’autres acteurs économiques, ont reconnu les responsables FBF et FBIE.

A l’appui de leur cause, les promoteurs du « Projet Forêt-Bois » comptent bien mettre en avant l’atout environnemental : « L’impact du secteur sur le bilan carbone de la France est tel qu’il compense déjà aujourd’hui 22% des émissions nationales. Il pourrait atteindre 30% d’ici 2020 grâce au présent projet  », souligne le document. Les déclarations de François Hollande durant la campagne électorale et, plus récemment, du ministre de l’Agriculture et de la Forêt Stéphane Le Foll, incitent les responsables de France Bois Forêt et de France Bois Industries Entreprises à un optimisme prudent.

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