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Antagonisme bien connu. D’un côté, l’Office national des forêts et, de l’autre, les défenseurs d’une nature plus respectueuse de l’environnement qui veulent peser davantage.
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FORÊT DE LAIGUE, FÉVRIER DERNIER. Des associations et des scientifiques dénoncent la coupe de vieux bois propice au peuplement d’espèces animales menacées. Elles demandent à l’ONF de préserver 20% de la forêt. | (LP/S.F.) |
L’ONF,
l’Office national des forêts, est-il hors la loi ?
C’est l’avis de plusieurs associations de
défense de la forêt et de membres du conseil
scientifique régional du patrimoine naturel. «
Nous sommes mandatés par le préfet de
région, avec avis de la Dreal (direction
régionale de l’environnement, de
l’aménagement et du logement)
et envisageons de porter plainte auprès des instances
européennes si rien n’est fait pour
préserver la biodiversité des forêts de
Compiègne, Laigue et Ourscamp », assure
Rémi François, membre du conseil scientifique de
l’ONF et référent forêt pour
l’association Picardie Nature.
Cette année, l’ONF doit définir son
plan de gestion de la forêt de Compiègne pour les
vingt ans
à venir. En mars, le conseil scientifique ne l’a
pas validé, arguant que 8% de trame de vieux bois
conservés étaient insuffisants pour
préserver la biodiversité. « Il
n’a pas pris position, confirme Pierre-Jean Morel, le
directeur régional de l’ONF, mais son
rôle est avant tout consultatif. » « Le
plan de gestion est en cours
d’instruction dans les ministères
concernés », tranche-t-il.
Une forêt qui se dégrade
L’ONF est néanmoins tenu au respect de directives
européennes. « Il ne peut pas remettre en cause la
parole des scientifiques. Nous proposons que 20% des trois
forêts soient épargnés pour que la
faune et la flore d’intérêt
communautaire puissent continuer à s’y
épanouir, dans des zones préservées et
classées Natura 2000 », insiste Michaël
Noirot de l’Afloc, association des Amis des forêts
de Laigue, Ourscamp et Compiègne. «
D’autant que ces 8% ne suffiront même pas
à conserver les espèces existantes »,
ajoute Jean-Luc Caron d’Oise Nature.
L’ONF fait le choix d’abattre les vieux
hêtres et chênes pédonculés
afin de les remplacer par des chênes sessiles, plus
résistants. « Nous essayons d’avoir une
vision à long terme la plus équilibrée
possible, argumente Pierre-Jean Morel. Huit pour cent de trame de vieux
bois, c’est déjà énorme.
L’engagement national de l’Office n’est
que de 2%. Nous faisons des efforts et devons composer avec une
forêt qui se dégrade, dont 16% sont en
état de dépérissement
avancé. Les vieux arbres sont en train de mourir. Nous ne
les coupons pas par souci de productivité, sans cela nous
planterions des résineux comme des douglas, moins chers et
de meilleur revenu. »
Actuellement, seuls les Beaux-Monts, les Grands-Monts et quelques
îlots des 14400 ha du massif compiégnois sont
concernés. « Ces milieux ne sont pas des zones
d’habitat primordiales, souligne Michaël Noirot. Il
y a des zones d’intérêt
supérieur, plus riches, plus vastes. Certaines ont
récemment été martelées,
les arbres seront donc vendus, puis abattus. Le temps presse.
»
A l’ONF, on assure que ces coupes ne se sont pas
multipliées ces dernières années, au
contraire « Nous n’allons pas tout enlever, il y
aura une continuité de massif entre les trames de vieux bois
qui ne mettront pas en péril les espèces. Et
puis, nous adapterons notre plan gestion . »
Rémi François, qui étudie cette
forêt de Compiègne depuis 1987, ne veut pas
remettre en cause l’exploitation sylvicole, mais souhaite une
concertation. « Si ça continue, la forêt
sera trop jeune, donc inexploitable des décennies.
L’activité économique peut
être compatible avec la préservation de la faune,
de la flore et avec un écotourisme. »