Profession garde forestier : un sacerdoce où pèse l’isolement

Samedi 23 juillet 2011


BESSE (Puy-de-Dôme) - Isolement difficile à vivre et restructurations incessantes : Dominique Chéry, garde forestier à l’ONF (Office national des forêts), à Besse (Puy-de-Dôme), témoigne d’un quotidien lourd à porter qui fait de son métier un véritable sacerdoce.

Quatre salariés de l’ONF se sont donné la mort depuis un mois, ce qui porte à 24 le nombre de suicides depuis 2005, dont 18 agents patrimoniaux (ex gardes forestiers).

Les syndicats et le PS voient dans ces suicides des conséquences des restructurations et réductions de postes tandis que le gouvernement évoque les fluctuations du bois et la solitude propre à ce métier.

On n’a pas d’horaires et on s’organise comme on veut, c’est le côté positif, dit M. Chéry, lunettes vertes de circonstance, pantalon et veste assortis frappés du sigle Office national des forêts.

En temps normal, il gère 1.100 hectares de forêt. Mais depuis mars, il assure l’intérim d’un collègue, soit 2.700 hectares de forêt répartis sur 17 communes.

Depuis la vague de suicides, l’administration s’active et devrait nommer un remplaçant à la rentrée, espère-t-il.

L’ONF a mis en place un numéro vert national d’écoute à destination de ses agents.

Pour son premier travail de la journée, M. Chéry visite un chantier de coupe dans un bois où il doit marquer les souches.

A 56 ans, dont 25 passés à l’ONF, il avoue que la solitude et une certaine froideur du monde rural lui pèsent.

Logé par l’ONF dans une maison forestière avec son épouse et ses six enfants dans la commune de Besse, un village de montagne auvergnat, il déplore que ses voisins soient tous des résidents secondaires venus de Lyon, Nantes ou même Tahiti.

L’administration ne lui fournit ni téléphone portable, ni radio dans sa voiture bien qu’il lui arrive d’effectuer jusqu’à 200 kilomètres en une journée.

Et puis avant, le garde forestier, c’était une référence, comme l’instituteur ou le curé, ce qui n’est plus le cas aujourd’hui, regrette-t-il.

Les suicides ? Le phénomène est multifactoriel, selon lui : il y a les restructurations incessantes et on nous demande toujours plus de production, de volumes, ce qui est en contradiction avec notre métier de protection de la forêt.

C’est le cas selon lui dans le département voisin de l’Allier qui possède des bois de valeur à récolter, et où l’un de ses collègues s’est donné la mort mardi.

C’est un peu comme si on demandait à un gendarme de payer son salaire avec les contraventions qu’il met !, explique-t-il.

Deuxième chantier de la journée : une forêt où M. Chéry vient visiter une plantation récente de mélèzes.

Son métier, il l’a choisi par amour de la forêt mais c’est un sacerdoce, reconnaît-il.

Protection de la forêt, surveillance de la chasse, de la pêche, contrôle des travaux de coupe, tâches administratives, rencontre avec les élus, les habitants : c’est 15 métiers pour en faire un seul.

L’après-midi, il se rend au lac Pavin tout proche pour repérer des arbres tombés à l’eau qui menacent de polluer le site. Mais il doit avant effectuer une plongée de reconnaissance. Enore une de ses nombreuses missions.


(©AFP / 23 juillet 2011 07h17)

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